Thursday, November 08, 2012

La montée en puissance de la Chine PoP


Quelque chose qui dérange?


Edwark Luttwak trouble les cartes dans son livre "La montée en puissance de la Chine." Interviewé avec un peu de gêne, on la ressent, par France 24, le 7 novembre, Luttwak en parlant de l'argent qui corrompt ne réussit pas à nous convaincre du danger et peut-être tout simplement l'explique-t-il assez mal. Il dresse de la Chine un tableau grossier, insultant, faux. Chacun constate avec effroi que cette pratique d'argent qui corrompt est aussi vieille que le monde et est tout à fait condamnable. Mais je voudrais bien qu'il explique comment l'argent a donc disparu de la vie politique des Etats, Paris, Washington, Tokyo, Londres, Rome, et du monde en développement surtout pour les élites? Complètement banal. 

La vraie question n'est pas là, Luttwak a bien du mal à nous convaincre sur le substitut à l'idéologie communiste par le fric. Il oublie de décrire l'équipe précédente sous Hu. Belle découverte. Son argumentaire ressemble à s'y méprendre aux papiers de propagandes lus à Tokyo et Washington. Et puis quand on fait la promo de son bouquin on peut s'arranger pour se souvenir de ce qu'on a écrit, sinon un doute vient à l'esprit sur l'origine des travaux qui ont conduit à écrire un tel pavé.

Le phénomène d'expansion est vrai. Le dossier territorial des Senkaku Diaoyu existe. Emblématique. La réalité d'une Chine qui se sent menacée et qui augmente ses dépenses de défense c'est vrai aussi, mais ce n'est pas unique, c'est la réalité ailleurs également. Et si je suis d'accord avec ses vues sur le nationalisme primitif qui est utilisé par le gouvernement chinois, japonais, coréen (s) et qui pose problème, je considère qu'en réalité ce genre de bouquin et d'interviews troublent les cartes parce qu'ils sont écrits par des gens aux ordres,  qui ne vivent pas sur place, n'ont pas de contacts avec les milieux dirigeants (multiples) et vont dans la simplicité; à savoir la haine, la propagande, la désinformation et surtout l'absence de recul par rapport à l'état des forces en présence. Mélanger les vérités et les simples approximations est une pauvre pratique; l'argent, le pouvoir, l'avancée dans les eaux du capitalisme occidental? Citez moi le nom de l'observateur occidental témoin des discussions des membres du comité permanent du bureau politique de Zhongnanhai. En tirer des conclusions hâtives c'est par conséquent un grand travail de manipulation. 

Ces gens ignorants et méprisants la Chine surfent sur le malheur du monde et troublent plus encore des eaux déjà bien boueuses. Soyez sur place et lisez un peu moins les rapports des autres. Faites-vous votre propre idée, distante sans nul doute, des intérêts des groupes de pressions, des agences et officines qui déforment tout à souhait quand le mot Chine vient à la bouche. J'ai été approché souvent par ces services qui ne comprenaient rien à la chimie des relations en Extreme-Orient. Qu'en ont ils tirés? Deux feuillets pour un bureau de stratégie, réécrits par un scribe désireux de briller avec les analyses, décryptages, relations et écrits des autres?

La problématique ici est non l'expansion chinoise et de crier comme des chiens fous, toute puissance en fait de même, mais de savoir comment intégrer cette expansion économie et politique dans le jardin des grandes puissances. La Chine a dit très clairement haut et fort qu'elle rejetterait les "valeurs occidentales". Le débat est donc aujourd'hui philosophique et moral, et non pas lié à une affaire de boulier compteur (abaque). Des amis que je connaissais lors de mes jeunes années en Chine et qui ont monté les échelons m'ont expliqué depuis comment les choses se passent dans ces grandes décisions. Je ne peux cacher mon admiration et aussi mon énervement lorsque je vois et lis des choses qui ne sont que fabrications et déformations de la vérité et des faits. Un long travail patient et calme est nécessaire aujourd'hui pour accompagner la Chine dans sa montée en puissance. Fuyons les nationalismes de Chine et Japon. Le Japon compte bien plus sur les esprits chamaniques et sur les "神風"qui veillent sur l'archipel que sur la 7e flotte de l'US Navy. Histoire oblige.

Un peu moins de confusion et un peu plus de regard sur place et de  "心理 "est donc nécessaire dorénavant car c'est en "Taillant le Jade" que l'on pourra se faire une meilleure idée du contexte, à présent en Chine. Et "en taillant" on pourra alors rendre visible la situation du pouvoir et des ambitions chinoises telle qu'elles se matérialisent. Mais il faut pour cela longuement contempler les pouvoirs en Chine, en particulier le noeud central, de manière à y percevoir son organisation interne. Puis comprendre, ce que les chinois évoquent en parlant de "raison naturelle" qui devient vérité absolue. 

Oui, les chinois du Comité permanent du Bureau Politique sont très influencés par le néo-confucianisme. Il faut y prendre garde. Ils ont eux aussi acquis la certitude que la stabilité (et leur longévité politique) c'est un peu désuet, inutile, erroné. Episode Bo Xilai par exemple. La durée de survie politique de chacun diffère donc mais ce qui les détermine est de savourer le plus longtemps cet état, avant le grand retournement. C'est alors qu'il faut intervenir. Ce qui importe alors n'est ce pas de déceler ce qui motive aujourd'hui la "pensée - maître", la doctrine de la nouvelle équipe plutôt que de tirer sur elle à boulets rouges? Qui saura décoder cette évolution?

Interview de Luttwak http://lnk.nu/france24.com/27u1