Friday, February 07, 2014

Nouvelle tentation révisionniste des nationalistes japonais



Estampe de propagande anti-chinoise de l'ère Meiji


Le gouvernement japonais n'a pas officiellement condamné mardi la déclaration d'un haut dirigeant de la télévision publique nippone NHK niant les massacres perpétrés en Chine par l'armée nippone. “Des pays n'ont pas prêté attention à la propagande du dirigeant nationaliste chinois Chiang Kai-shek... sur les massacres qui auraient été commis à Nankin par le Japon. Vous savez pourquoi ? Parce que ça n'a jamais existé”, a lancé Naoki Hyakuta, un membre de la direction de la NHK lors d'un meeting politique à Tokyo. Venu soutenir Toshio Tamogami, un candidat d'extrême droite au poste de gouverneur de la métropole. Chef d'état-major de l'armée de l'air, Toshio Tamogami avait été limogé en 2008 après avoir déclaré que durant la dernière guerre le Japon n'avait pas été un agresseur. 

L'historien américain Jonathan Spence estime ainsi que 42.000 civils et militaires ont été tués et 20.000 femmes violées, dont beaucoup sont mortes par la suite. La Chine chiffre à 300.000 le nombre des morts pendant la vague de tueries, de viols et de destructions perpétrés par les militaires nippons durant les six semaines qui ont suivi leur entrée dans Nankin le 13 décembre 1937.

C'est la seconde fois en quelques jours que la NHK est sous les projecteurs: le 26 janvier son tout nouveau PDG Katsuto Momii avait affirmé que la prostitution forcée de femmes par l'armée japonaise, pendant la Seconde Guerre mondiale, était une pratique "fréquente dans tous les pays en guerre". Et il avait cité la France et l’Allemagne.

Que ce soit pour les rochers des mers de Chine ou pour le sanctuaire religieux shintoïste du Yasukuni dédié à plus de deux millions de soldats tombés au combat, les avis divergent sur ces commentaires révisionnistes et sur ces visites de hauts responsables politiques japonais car le Yasukuni abrite les noms de 14 militaires japonais condamnés comme criminels de guerre par les alliés après 1945. Pour bien des observateurs et je partage cette opinion, il s’agit là d’une question "mémorielle". Il n’est donc pas question sur ce point, de s’ériger en donneur de leçons, enfin, officiellement... 

Certes, la politique très nationaliste de Shinzo Abe agace ses partenaires occidentaux, dans le G8, lesquels le disent plus ou moins haut. Je crois que les USA, grand partenaire du peuple japonais, et conscients de leurs intérêts économiques en Asie Pacifique, ont émis des observations. Récemment encore Kissinger s'inquiétait du risque de conflit régional. Il me semble qu'il ne faut pas se lancer des anathèmes comme le font ces diplomates chinois et japonais. Mais au contraire il faudrait maintenir ouverts les canaux de dialogue. 

Je m'interroge néanmoins sur les raisons profondes qui divisent les nations d'Asie, et sur le rôle d'agitateur du temps mémoriel perpétré par certains en Chine et au Japon dont la fonction, politique ou diplomatique, devrait davantage inciter aux politiques de sagesse. Car la vague de fond du nationalisme sino japonais ne fait que s'enfler. Ce qui devrait reposer sur la collaboration des peuples sino japonais, ce qui semble naturel au moment où la mondialisation s’accélère, et du fait des enseignements que nous procure l'histoire du 20è siècle, n'est pas perçue de même par de jeunes politiciens des deux pays qui refusent de lui emboîter le pas. 

Donc Chine et Japon devront faire des concessions aux revendications réciproques et ouvrir ainsi d'autres soupapes de sûreté face à la pression croissante du nationalisme asiatique. Enfin, il est notable que ni les nationalistes chinois ou japonais n'ont lu l'art de la Guerre de Sun Tzu, car le concept de Sun Tzu est d’attaquer la stratégie de l’ennemi et de le soumettre, on en est encore très loin, mais au contraire en sont encore aux prémices des théories de Clausewitz, celles-ci incarnent la guerre violente et jusqu’au dernier homme. Le Japon en a fait l'usage jusqu'en août 1945 avec le peu de succès que l'on sait et l'effroyable destruction qui a suivi. L'histoire contemporaine est-elle bien enseignée aux écoliers chinois et japonais...?